Quitou Wine Travel (2) : Champagne – L’effervescence approche

Quitou Wine Travel (2) : Champagne – L’effervescence approche

Après l’inoubliable expérience vécue en Bourgogne au printemps dernier avec un groupe de passionnés, le plus difficile n’était pas de décider si une autre expédition devait être mise sur pied mais plutôt d’en choisir la destination…

Les contraintes ? Un week-end de 2 jours car les jours fériés arrosent malheureusement moins nos agendas que les orages de grêle le vignoble… Le moyen de transport ? Notre car s’impose, la pesée des bagages de chacun au départ et au retour ayant déjà révélé la difficulté collective de résister aux achats de souvenirs sur place… Ne rêvez pas ici à un cep de vigne en bonsaï enfermé dans une coquille remplie d’eau, se recouvrant de neige siliconée quand on le secoue, ni à un joli pressoir miniature en plastique chinois qui fait glouglou quand on le retourne… Nous restons fidèles à une stratégie qui a déjà fait ses preuves. L’idée est de ne pas effrayer trop vite les chauffeurs avec nos quelques acquisitions liquides. A Chablis, dès le premier jour, c’est une demi-palette qui s’est glissée dans les soutes. Ce n’était qu’un début et il a fallu négocier…

Donc, 2 jours, en car, dans une région où l’hédonisme est une règle de vie. Si possible, sans trop perdre de temps pour le trajet (bien que des occupations stimulantes ont rapidement été trouvées lors de notre dernier périple, juste pour que le sablier s’égrène un peu plus rapidement bien sûr…).

Vous rentrez ces données dans le programme rabelaisien « Quitou » et quelques instants plus tard, le verdict tombe : ce sera la Champagne ! A bien y réfléchir, à seulement quelques semaines des fêtes de fin d’année, on aurait pu tomber plus mal. L’effervescence est en route.

J’imagine la tête de certains si le vignoble des Côtes de Toul et son célèbre « gris » avait été choisi. Metz est certes une très belle ville mais l’intérêt pour la production viticole de Meurthe-et-Moselle reste malgré tout à démontrer… avec tout le respect que méritent les courageux vignerons qui y travaillent.

Champagne donc, oui mais où ? Car les visages de la région sont multiples. Irons-nous explorer l’illustre Montagne de Reims, « berceau du Champagne »? Le long chapelet desvillages classés en « Grand Cru » de la Côte des Blancs ? Les méandres des lieux emblématiques des batailles de la Grande Guerre, dans la Vallée de la Marne ? Les recoins secrets de la méconnue mais si intéressante Côte des Bar ? A tout seigneur tout honneur. C’est la Montagne de Reims qui est choisie et pas seulement pour sa plus grande proximité de nos contrées. Ce lieu magique symbolise mieux que tout autre le rêve qu’inspire dans le monde entier le terroir champenois. Aux quatre coins de la planète, Reims et dans une moindre mesure Epernay sont au moins aussi réputées que Paris, pour des motifs que l’on imagine bien différents, les vestiges du vignoble de Montmartre ne pouvant raisonnablement concurrencer le géant champenois. Reims est considérée comme la capitale de l’appellation, tandis qu’Epernay, au sous-sol creusé de plus de 100 kilomètres de galeries recelant des millions de bouteilles, en est le véritable cœur.La Montagne de Reims porte somme toute assez mal son nom. Culminant à 283 mètres d’altitude, elle rivalise à peine avec la flèche cathédrale de la « célèbre ville des sacres ». En revanche, de toutes les sous-régions champenoises, c’est celle qui comporte le plus de villages classés en « Grand Cru » : 9 sur 17. C’est cet amphithéâtre de vignes de 25 km de long qui recèle notre intérêt.

Un nombre presque incalculable de petites propriétés familiales s’y déploie, en cohabitation avec les parcelles de vignes appartenant aux grandes maisons dont la notoriété n’est plus à démontrer. Partout dans le vignoble, le long des routes sinueuses, de petites bornes rappellent que nous sommes sur les terres de Moët, Mumm, Veuve Clicquot, …Les deux visages champenois sont en présence. Leurs objectifs se révèlent pourtant bien différents. Les grandes marques mettent tout en œuvre pour reproduire chaque année le goût qu’apprécient leurs acheteurs habituels et les petits domaines, bien que recherchant également un style personnel, s’inscrivent davantage dans un contexte plus classique, adaptant leurs pratiques de vinification aux conditions du millésime et de mûrissement des cépages. Une année n’est pas l’autre chez ces petits propriétaires…

Dans la région, le pinot noir règne en maître. De façon sans doute moins insolente que dans la Côte des Bar mais tout de même… Il y représente plus de 55% de l’encépagement et dans certains villages (Bouzy, Mailly), on approche l’hégémonie totale. Les apports de ce cépage en Champagne pourraient se résumer à ceci : vinosité, structure, puissance et tonicité. L’explication de sa présence majoritaire dans le secteur se retrouve dans le constat d’une fabuleuse complicité : celle qu’il révèle avec le sous-sol local, puissamment crayeux et calcaire. De leur union intime naissent des cuvées qui ont les faveurs des œnophiles du monde entier… Les Belges en raffolent, comme en témoignent les amortisseurs de leurs voitures, qui souffrent encore davantage depuis l’ouverture des frontières…

Pour se faire une idée des deux mondes qui se côtoient au sein du même vignoble champenois, il ne suffit pas d’en parler. Il faut les rencontrer, les écouter, les goûter… Tous les participants au séjour précédent ont encore en mémoire les mots simples et directs, marqués de réalisme de Christophe Camu à Chablis, la touchante authenticité de la famille Parigot en Hautes Côtes de Beaune, en lien permanent avec le respect de ses vignes et du millésime, et la délicieuse élégance empreinte d’humilité de Gérard Quivy à Gevrey-Chambertin. Après notre voyage, plus personne ne songeait à hiérarchiser ces domaines, ces productions. La place de chacun se trouvait légitimée par la compréhension des différents terroirs, contextes de production et philosophie de travail des acteurs locaux.

Nous irons donc visiter une maison prestigieuse et deux petites propriétés.

• Pommery verra notre car débarquer notre groupe dans sa cour. Je vous le garantis, la visite vaut le déplacement. Vous ne risquez pas d’y être exposés à mes interminables bavardages passionnés. Chez les descendants de la célèbre veuve, comme au Clos de Vougeot, la visite est guidée, cadrée, organisée, structurée, … Nous tenterons de nous adapter et je m’engage à rentrer dans le rang et à vous épargner mes commentaires… jusqu’au retour dans le car. Car libéré des entraves liées au goulag marketing de la marque, je ne réponds de rien. Ceci précisé, soyez assurés que la visite des ces prestigieuses caves, cathédrales de craie souterraines et véritables traces de l’histoire de la région, est incontournable.

Au programme, une plongée étonnante dans les entrailles de la maison à 30 mètres de profondeur et une dégustation de deux cuvées : un Brut Royal et un Brut Royal Millésimé Grand Cru.

• Emmanuel Pithois œuvre relativement discrètement (mais les dénicheurs de bonnes adresses ont depuis longtemps repéré la cave) au nord-est de la Montagne de Reims, dans le petit village de Verzenay, haut-lieu de la viticulture, classé à 100% en Grand Cru.

Sa modeste (en taille) exploitation de 5 hectares en est à la troisième génération et le fils se prépare doucement à épauler son père de manière plus régulière et organisée… Nous sommes loin des fastes lumineux de la maison créée par Louise Pommery mais nous nous rapprochons incontestablement du vin. Ici, l’habit de bulles complète le tableau esquissé par le jus de la vigne.

A l’image du secteur, le pinot noir est dominant dans les assemblages (entre 60 et 70%). Le chardonnay complète les cuvées, apportant sa touche de finesse et d’élégante fraîcheur. Je vous laisse découvrir ces nectars mais vous avoue avoir été séduit par l’authenticité des styles, le raffinement des effervescences et les complexités aromatiques des différentes cuvées.

Pour l’une d’entre elles, la vinification partielle et parfaitement dosée en fûts de chêne soutient magnifiquement l’expression « très noire » du terroir de Verzenay. A découvrir!

Environ 30 000 bouteilles sont produites chaque année ; gageons que notre passage laissera quelques traces dans ce stock…

Monsieur Pithois est intarissable, c’est son épouse qui l’affirme. Nous demandons à vérifier et il ne tient qu’à nous que cette prometteuse visite se prolonge. Pour éviter toute fringale qui serait préjudiciable à la suite des hostilités, nous partagerons avec cette famille très accueillante, à la suite de la dégustation, une « table vigneronne »… Certains ont peut-être encore en mémoire notre dernière expérience en la matière ?

• Dans le petit village de Sacy, Christophe Goulin a repris depuis 1990 l’exploitation que ses parents avaient eux-mêmes développée à la suite de la génération antérieure… Le domaine Goulin-Roualet possède des vignes dans quatre villages différents, tous classés en 1^er cru.

La production annuelle moyenne avoisine les 45 000 bouteilles. La gamme est large car les 3 cépages traditionnels sont cultivés : pinot noir (terroir de Reims oblige), pinot meunier et chardonnay. Dans l’ensemble des dégustations champenoises que j’ai effectuées au cours des dernières années, celles des cuvées de la maison Goulin-Roualet ont démontré une remarquable homogénéité de qualité, alliée à une belle régularité. C’est un domaine de toute confiance que nous visiterons. De plus, le maître des lieux introduit le respect de l’environnement dans ses pratiques culturales (enherbement des rangs de vignes, utilisation des techniques de confusion sexuelle pour éviter la prolifération des chenilles, broyage des bois de taille pour qu’ils retournent à la terre sous forme d’humus, …). Par ailleurs, les prix pratiqués par cette maison sont restés extrêmement sages. Et l’on repense à nos chauffeurs…

Dernière précision : le cycle végétatif de la vigne ayant cette année pris des retards conséquents suite aux aléas climatiques, notre séjour tombera inexorablement… pendant les vendanges.Chance pour nous car l’activité humaine pendant cette période si particulière est intense dans les vignes et dans les chais. Plus difficile en revanche pour les vignerons car faire cohabiter l’accueil des passionnés que nous sommes et la conduite de la récolte et de la mise en presse s’apparente parfois à un véritable casse-tête.

Quoi qu’il arrive, et l’expérience passée ne laisse planer aucun doute à ce sujet, notre séjour sera très animé car au moment des vendanges, l’ambiance dans le vignoble est vraiment particulière.

Préparez vos flûtes et faisons pétiller la vie…

Sur place, c’est encore plus charmant, vous ne trouvez pas?

Q.

 

Pour en savoir davantage sur le vignoble de Champagne, c’est par ici…