Quels enseignements retenir de ce tour d’horizon du millésime 2013 ?
Tout d’abord que le métier de vigneron expose ceux qui le pratiquent à de nombreux facteurs aléatoires, susceptibles d’altérer significativement la qualité de la production, malgré tous les soins apportés aux vignes et vinifications. Quand il s’agit du fléau de la grêle, les dégâts, irréversibles, sont immenses. Les plus grands terroirs n’échappent pas aux risques. En Argentine, pays exposé à ce fléau entre novembre et mars, le gouvernement a dégagé des subsides pour que les bodegas puissent s’équiper en filets anti-grêle. En France, on préfère financer massivement les associations radicalement hygiénistes qui diabolisent le vin. Question de choix…
Tous les cépages ne sont pas des victimes consentantes de la pluie et du froid
Gardons ensuite à l’esprit que la nature a réservé un tel sort à l’ensemble du vignoble français que personne ne peut raisonnablement évoquer une année réellement satisfaisante. Un bémol à ce triste constat doit être apporté pour le Languedoc Roussillon, premier de la classe dans ce millésime 2013. Ne pas négliger les blancs secs, digestes et très frais de cette région !
Nous pouvons également retenir que les années froides conviennent généralement mieux aux cépages blancs qui y puisent des réserves de fraîcheur que nous retrouvons dans les verres. C’est encore plus vrai pour les terroirs méridionaux, dont les vins évitent alors plus facilement le piège de la lourdeur.
Par ailleurs, les vignerons qui attendent le célèbre champignon botrytis cinerea, responsable de la pourriture noble tant recherchée pour l’élaboration des vins liquoreux, ne voient pas l’humidité dans les vignes avec le même regard que ceux qui assistent, impuissants, à des maturations bien trop laborieuses et aux attaques de pourriture grise.
Si l’arrière-saison se montre plus clémente, pour ceux qui ont pu (eu les moyens) d’attendre, la promesse de grands nectars se profile. C’est le cas en 2013 à Sauternes. Ce sont incontestablement des vins à encaver car ils sont bâtis pour affronter sereinement l’avenir.
2013, une année de vignerons plus qu’une année de raisin…
Rappelons enfin que lorsque nous rencontrons des cuvées bien réussies dans ce millésime délicat qui a nécessité beaucoup de vigilance, courage et rigueur dans le chef des vignerons, il paraît utile d’imaginer ce que ces mêmes acteurs pourront nous offrir lorsque les colères du ciel se seront tues. On le répète souvent mais cette fois, l’expression est réellement d’actualité: 2013 est bien davantage le millésime du vigneron que celui du raisin… Chapeau bas à tous ces acteurs du vin qui ont tiré leur épingle du jeu dans un contexte aussi chahuté.
Pour plusieurs régions, durement frappées ces dernières années, la pression sur le millésime 2014 est grande. Au moment où je vous écris ces lignes, le ciel déverse de grandes quantités d’eau sur les vignes dans plusieurs régions, à un moment crucial du cycle. Reconnaissons-le, c’est un peu l’automne en été depuis quelques semaines. Rien n’est définitivement joué mais il faudra beaucoup trier, à nouveau… Maintenons notre confiance vis-à-vis des vignerons qui ont ces dernières années appris (souvent à leurs dépens) à apprivoiser des conditions de maturation du raisin délicates.
Quelle attitude de consommateur adopter dans un tel contexte?
Je clôturerai ce tour d’horizon par une question, qui a presque le visage d’une demande. Pour nous consommateurs, qui apprécions la production de nombreuses appellations dans les millésimes favorables, n’est-ce pas le moment de montrer notre solidarité avec ceux qui nous font rêver par leur vins interposés en achetant prioritairement les crus des régions qui ont été les victimes majeures des foudres du ciel ? Ne pouvons-nous pas, à notre tour, imaginer qu’il s’agit là d’une des seules opportunités de soutien aux vignerons sinistrés qui s’offre à nous ? Face à l’accumulation de coups durs ces dernières années, l’équilibre financier de nombreux domaines est devenu extrêmement précaire. Je ne vous apprends rien, ce ne sont pas les banques qui feront preuve de solidarité vigneronne… Achetons donc de bons vins (et il y en a partout!), issus des appellations qui ont été victimes des éléments non maîtrisables.
Gardons cela en mémoire au moment de nos achats, joignons le beau geste à l’utile et l’agréable et si possible, au moment des foires d’automne qui se profilent, parlons-en avec nos cavistes, nos meilleurs interlocuteurs, qui sauront nous guider dans nos choix.
Le vin est un prolongement culturel du travail de la terre. Lorsqu’il trouve place sur nos tables, c’est en gardant cela à l’esprit qu’il se partage avec le plus grand plaisir car celui qui lui a donné vie fait partie de nos convives. Ce travail, nous en connaissons les enjeux, obstacles et difficultés en tous genres. Resserrons donc les rangs autour des vignerons en ces temps difficiles et ne boudons pas ce millésime 2013, que nous achèterons avec discernement.
Vous y aider était l’objectif poursuivi par cette série d’articles.
A bientôt et bonnes dégustations à tous !
Q.
- D’autres éclairages sur ce millésime sur ce lien et sur celui-ci…
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Le point de vue du syndicat de la vallée du Rhône, c’est ici
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Pour Bordeaux, voici un avis éclairant….
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