Le vin Bio: mythe ou réalité?

Le vin Bio: mythe ou réalité?

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« Le vin est le breuvage le plus sain et le plus hygiénique qui soit… »

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Louis Pasteur (1822-1895)

Lorsque dans la seconde moitié du 19ème siècle, Louis Pasteur prononça cette phrase devenue célèbre, il y a fort à parier qu’il était loin d’imaginer que son aphorisme serait si souvent mis à mal par une filière vin dont de trop nombreux acteurs aux pratiques peu scrupuleuses allaient régulièrement ternir l’image. Inutile de se voiler la face. Les scandales successifs qui ont éclaboussé le milieu viti-vinicole trouvent leur source, tant dans la soif de cupidité de certains et le non-respect d’une vraie éthique de travail que dans la nécessité de répondre à la demande croissante des buveurs d’étiquette…

Aujourd’hui, le cours des choses semble s’inverser. Face aux ravages observés chez ceux pour qui la « malbouffe » est devenue un art de vivre, la mode est au « manger et boire sain ». De nouveaux marchés s’ouvrent, immenses, et l’intérêt général pour un assainissement de l’alimentation se confronte à la réponse apportée par les gigantesques moyens des groupes industriels.

Label-bioDès lors, il importe plus que jamais que les consommateurs bénéficient d’une information sérieuse et éthiquement irréprochable. Il nous faut rester attentifs car les coulisses de la scène « Bio » se révèlent parfois bien moins pures que les produits qu’elles sont censées défendre ou promotionner…

C’est dans ce contexte de purification globale des pratiques qu’apparaît « le vin bio », supposé rassembler à lui seul toutes les vertus d’une quête généralisée d’assainissement…

Tout d’abord, une précision essentielle : Au stade actuel des choses, le vrai vin BIO n’existe pas encore, ou si rarement, même si, du point de vue légal, le texte adopté en mars 2012 par la Communauté européenne montre qu’on est sur la bonne voie. Tous les excès ou usurpations de termes sont donc encore possibles. Jusqu’à présent, seules les pratiques de viticulture pouvaient faire l’objet d’une labellisation. Nous parlions donc de « vin issu de raisins cultivés en agriculture biologique » et non de « vin bio ». Les choses vont donc concrètement évlouer et nous pouvons nous en réjouir, tout en restant vigilants!

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Pour mettre en relief leurs pratiques respectueuses de l’environnement, certains domaines viticoles revendiquent un label. On peut aisément comprendre ce souci d’information et de promotion de leurs produits. Ne perdons toutefois pas de vue que de nombreux acteurs du vignoble, convaincus que le BIO devrait être la règle et non l’exception, se montrent bien plus discrets vis-à-vis d’une démarche qu’ils estiment « naturelle ». Ils préfèrent laisser parler leur vin pour illustrer la qualité de leur travail. Chez ceux-là, nul besoin de pastille colorée sur l’étiquette.

Essayons d’y voir plus clair.

Vous pouvez rencontrer 3 grands types de labels :

logo_terra_vitisTerra Vitis – Lutte raisonnée : L’association Terra Vitis regroupe depuis plus d’une décennie les vignerons issus de tous les terroirs français autour d’une philosophie partagée de viticulture durable. Ceux-ci respectent un cahier des charges évolutif et commun à tous, et assurent la traçabilité quotidienne de leurs observations et interventions à la vigne comme dans les chais de vinification. Ces acteurs intègrent dans leur philosophie l’ensemble des éléments de leur environnement : l’homme, le cépage, le sol, la flore, la faune, le paysage.

 

AB-AgricBio-09_04_02AB – Agriculture Biologique :

Lorsqu’il respecte les règles spécifiques de l’agriculture biologique définies dans l’un des règlements reconnus par la communauté internationale, un produit peut porter la mention « biologique ». Chaque opérateur doit s’engager à accepter le contrôle effectué par un organisme indépendant accrédité (le plus connu est ECOCERT).

Demeter et BioDyvin – Biodynamie :

Rudolf Steiner (1861-1925)
Rudolf Steiner
(1861-1925)

C’est en 1924 que Rudolf Steiner, philosophe et occultiste autrichien, pose les bases de ce mouvement de pensée. Partant du constat que la vigne, longtemps pervertie par les apports d’engrais chimiques et de pesticides, avait perdu ses facultés de défense et de réaction face aux éléments extérieurs, les adeptes de la biodynamie ont souhaité redonner de la vitalité au sol et à la plante, à l’aide de préparations naturelles (fumures, plantes médicinales, minéraux) qui lui permettront de s’exprimer pleinement, tout en tenant compte des rythmes cosmiques. Tout un programme…

logo-biodyvinDEMETER est une marque déposée qui identifie les produits issus de l’agriculture bio-dynamique, tandis que BIODYVIN est un label contrôlé par Ecocert.demeter

 

 

 

 

Vouvray Le Mont 1/2 sec G. Huet. DSC_0970
Vouvray Le Mont 1/2 sec 1993 – G. Huet

Il fut un temps où toutes ces pratiques faisaient, au mieux, sourire. Je me souviens d’une visite peu ordinaire en 1997 chez Noël Pinguet au domaine G. Huet. A l’époque, j’écoutais avec un regard bienveillant – mais qui ne pouvait sans doute cacher ma grande incrédulité – cet exceptionnel précurseur de la biodynamie en France. Il fallait encore que son discours « cosmique » trouve un prolongement dans les verres. En particulier dans le mien. J’ai plaisir à le confesser aujourd’hui, la leçon donnée par le gendre de Monsieur Gaston fut magistrale. Le vin parlait pour lui… Un très grand moment de dégustation, qui n’inspirait que le respect.

Depuis ce jour, c’est avec davantage d’humilité et d’ouverture d’esprit que j’aborde les question inhérentes à la biodynamie…

Puis, au fil du temps et un peu partout, la nature a fait reculer le scepticisme, se rappelant aux bons souvenirs des viticulteurs qui pensaient qu’elle pouvait tout absorber, y compris les pires agressions, sans dégâts collatéraux. Le travail de Nicolas Joly (Coulée de Serrant), Noël Pinguet et de tous leurs émules a enfin pu progressivement trouver un écho favorable dans la plupart des régions viticoles.

Aujourd’hui, aucun acteur sérieux et conscientisé par la nécessité de préserver l’intégrité de notre milieu ne se risquerait à minimiser les résultats obtenus par les adeptes de ces mouvements. Et en dégustation à l’aveugle, bien éloigné est le temps où les vins qui avaient bénéficié de ces traitements se détectaient relativement facilement, et pas particulièrement pour leurs qualités d’arômes et de saveurs…

Domaine Dugat-PyGevrey-Chambertin
Domaine Dugat-Py – Gevrey-Chambertin

Cette fois, l’assainissement des pratiques est bel et bien en marche. Rien ne semble pouvoir s’y opposer, pour le plus grand bénéfice des consommateurs de vin, à qui il devient de plus en plus difficile de faire avaler n’importe quoi. Autour de ce constat, un consensus semble enfin s’être dégagé.

Le vrai vin BIO n’existe que chez de rares viticulteurs, très engagés, dans une démarche globale, biodynamique ou non. Mais la règlementation qui l’encadre est enfin apparue, après de longs débats. Le label « vin bio » devient effectif. Est-il suffisant? La Communauté européenne elle-même y répond, ayant prévu une remise à plat et renégociation de ses propres textes dès 2015. Les « puristes » fourbissent déjà leurs armes…

Q.


2 réponses à “Le vin Bio: mythe ou réalité?”

  1. votre article date ! le vin bio existe : voir le règlement européen (CE) n° 203/2012 du 8 mars 2012 qui fixe les règles applicables à la vinification biologique (avec des raisins bio, bien sûr !) : ce règlement s’applique aux vendanges 2012 et même aux vins des années précédentes si les vignerons peuvent apporter la preuve, à leur organisme de contrôle, qu’ils ont respecté ce règlement.

    • Bonjour et merci pour votre intervention.

      Effectivement, j’aurais pu faire état du « compromis » sulfureux (c’est le cas de la dire) enfin trouvé par la Communauté européenne, après de longues années de débats houleux et dominés par les intérêts des puissants lobbyings. Si je ne me trompe, il n’y a que 5 mois que le nouveau règlement est entré officiellement en vigueur, soit le 1er août 2012, plusieurs mois après l’adoption des textes…

      Le vin bio en est-il pour autant devenu réalité ? Vous semblez en être convaincue mais permettez-moi d’être beaucoup plus réservé.

      Sur le plan légal certes (ce qui pourrait, c’est vrai, être précisé dans mon article qui ne poursuit à ce stade qu’un objectif de vulgarisation) votre observation est fondée ; elle me donne l’occasion de pousser plus loin l’information collective, ce que je compte faire, et vous en remercie.

      Toutefois, et cela ne vous aura sans doute pas échappé, la lecture attentive des textes du nouveau « cadre » légal nous invite à tout le moins à un grand scepticisme… A peine adoptés, ces textes sont fortement contestés par les organismes les plus sérieux (Demeter, FNIAVB ou Biodyvin), qui entendent bien poursuivre avec force leur lutte car l’observation attentive du « compromis » démontre que le camp des laxistes ou « partisans d’une évolution lente » l’a clairement emporté face à celui des viticulteurs les plus engagés, qualifiés de puristes.

      Sur ce plan, aucun viticulteur/vinificateur réellement engagé dans une démarche bio globale et complète (biodynamique ou non) ne peut se contenter de ce qui a été adopté. Même s’il faut reconnaître qu’une base est d’ores et déjà posée pour une évolution positive.

      Pour s’en convaincre, il suffit de découvrir dans les textes officiels la longue liste (édifiante !) des intrants chimiques et des techniques qui restent autorisés pour élaborer des vins dont le caractère « bio » paraît dès lors assez rapidement non respecté, voire caduque.

      Un exemple concret (parmi de nombreux autres): les textes prévoient que ces ingrédients exogènes doivent provenir de matière première d’origine biologique, tout en ajoutant « mais seulement si elles sont disponibles ». On l’aura compris, la porte des usurpations d’identité bio est ouverte…

      Je reste pour ma part convaincu que si ces nouveaux textes (sauf erreur de ma part, les premières discussions ont été entreprises il y a plus de 10 ans et elles n’ont abouti à un débat sérieux et structuré qu’il y a 3 ans…) sont indispensables pour pouvoir aller plus loin, ils ne peuvent voiler une réalité concrète : la bataille est loin de recueillir un consensus suffisamment large pour qu’on puisse à ce stade s’en contenter.
      La Communauté européenne elle-même le reconnaît, ayant prévu une remise à plat et une renégociation de ces textes, dès 2015.

      Comme nous le voyons, la bataille du « bio » est loin d’être terminée. Elle alimente les débats, idées et passions.

      Pour ma part, je serais ravi d’échanger avec vous sur ce sujet si vous le souhaitez.

      Quoi qu’il en soit, encore merci de m’avoir donné l’occasion de poursuivre la réflexion!

      Q.

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