Première étape, l’analyse visuelle. Ouvrir l’œil et interpréter les signes…
Que faisons-nous prioritairement lorsqu’un objet, une personne, un lieu rencontrent notre intérêt ? Nous les observons. Furtivement, discrètement, attentivement, avec insistance, quel que soit notre choix, notre premier réflexe fera appel à l’observation visuelle… Et si les apparences se révèlent parfois trompeuses, au stade de cette première approche, nous ne nous en préoccupons guère.
Aucun dégustateur qui se respecte, amateur ou professionnel, n’échappe à la règle. Un moment plus ou moins prolongé et attentif sera accordé à l’examen visuel du vin qui se présente, quelle que soit l’irrésistible envie qui nous prend de plonger sans tarder le nez dans le verre…
La raison en est facilement explicable. Au simple plaisir procuré par l’observation de la robe et de ses reflets s’ajoute celui du jeu des hypothèses. Dès que le vin est versé, notre impatience est grande de tenter d’en interpréter les nuances et reflets. Surtout si nous avons connaissance de l’origine du cru, donc du (des) cépage(s) utilisé(s). L’exercice de la dégustation commence à ce moment, et la première étape concerne cet examen visuel, riche en enseignements pour celui qui sait s’y prendre, sans perdre de vue que toute piste devra être réévaluée, puis validée ou infirmée par les étapes suivantes, qui font appel à l’examen des arômes et saveurs.
Dans les lignes qui suivent, voici le détail des gestes prioritaires à poser et des premières pistes à explorer.
Vous êtes prêts?
En préambule, tordons le cou à une affirmation bien trop largement répandue. Contrairement à certaines idées reçues, il est illusoire d’imaginer retrouver l’origine ou le millésime d’un vin à la seule analyse de sa robe. En revanche, une observation attentive de ses diverses caractéristiques visuelles permet d’entreprendre le passionnant exercice des hypothèses. Dès ce moment, nous tentons de comprendre, en amont, les différents facteurs naturels et humains qui ont donné naissance à la cuvée. Nous pouvons aussi évaluer le degré d’évolution du cru et tenter d’estimer la durée de conservation qu’il possède encore, avant l’apparition des signes annonciateurs de déclin, donc des premières déceptions. Remonter à la source de Bacchus en quelque sorte…
Avant d’avoir humé quoi que ce soit, il est bien utile de collecter les premiers signes susceptibles de nous éclairer au sujet de la concentration, l’âge ou l’état de conservation du vin. Nous pouvons aussi estimer sa teneur en alcool mais également tenter d’imaginer l’objectif poursuivi par le vinificateur.
En revanche, il est essentiel de garder à l’esprit qu’en aucune manière, ces hypothèses ne permettent de décrire le vin avec assurance. Tout sera encore à vérifier, approfondir, … et les surprises ne sont pas rares, heureusement.
En ce qui concerne la couleur, seule une connaissance suffisante des caractéristiques des principaux cépages (rassurez-vous, ils ne sont pas si nombreux et j’y reviendrai) permettra de poser de réelles hypothèses. Ceux qui imaginent pouvoir appliquer avec empressement l’équation trop largement répandue qui établirait un lien entre la qualité du vin et son intensité colorante commettent une lourde erreur. Ce n’est définitivement pas un critère valable.
Partant du principe que les pigments colorants (anthocyanes pour les vins rouges, flavones pour les vins blancs) se trouvent dans la peau du raisin, il est facile d’imaginer qu’une pellicule épaisse sera plus riche en pigments qu’une peau fine. Cela n’a rien à voir avec la qualité des variétés de vignes. A titre d’exemple, il n’est pas inquiétant d’observer une couleur moyennement soutenue pour un vin issu du seul pinot noir, ce cépage septentrional étant peu teinturier. En revanche, ce même type de couleur peu concentrée pour un vin issu du cépage syrah ou du cabernet sauvignon devrait nous interpeler davantage, ces deux variétés de vignes, riches en pigments, communiquant naturellement des couleurs intenses aux jus avec lesquels elles entrent en contact.
A ce propos, savez-vous pourquoi les cépages sont plus « teinturiers » dans les régions méridionales que dans le Nord ? Tout simplement parce que ces raisins du sud épaississent naturellement leur peau pour mieux se protéger des rayons du soleil. Par chez nous, chacun comprendra qu’une fine pellicule suffit largement à la protection solaire de nos cépages septentrionaux…
Commençons par le début: brillance, limpidité et viscosité
Une fois le vin versé (toujours la même quantité dans les différents verres – environ 1/3 de la contenance), saisir le verre par le pied ou la tige et le pencher en oblique sur un fond blanc. À ce moment, ceux qui ont été trop généreux dans le remplissage le regrettent déjà…
Ne pas prendre le verre par le calice permet avant tout d’éviter les traces de graisses que nos mains ne manqueraient pas d’y laisser. Il s’agit aussi de ne pas réchauffer le vin trop rapidement, ce qui induirait une modification prématurée de son expression aromatique.
Miroir, miroir… suis-je le plus beau cru ?
Le premier contact entre le dégustateur et le vin se fera par l’observation du disque (surface du vin dans le verre). Nous en estimons d’abord l’éclat (de terne à étincelant, en passant par lumineux, …) puis en décrivons la teinte au centre. Celle-ci renseigne essentiellement sur la concentration et l’intensité du vin. Ensuite, l’examen de la bordure du disque (à la périphérie du liquide) sera riche en enseignements quant à l’évolution du vin.
J’y reviendrai dans un prochain billet mais retenons déjà qu’au fil du vieillissement, les vins blancs présentent dans leur jeunesse des robes pâles à jaune doré léger puis évoluent progressivement vers l’or intense pour finir avec des nuances brunâtres.
Les vins rouges voient leurs reflets violacés de jeunesse laisser place à des nuances rubis, puis légèrement tuilées ou orangées et enfin brunes, lorsque le vin est en fin de vie.
Quant aux rosés, leurs teintes pâles ou vives (selon le type de vinification qui leur a donné naissance) évoluent très rapidement vers des couleurs saumonées, signifiant un début d’oxydation. Quelques mois peuvent parfois suffire.
La couleur du vin rosé est la plus fragile des trois. Il en faut peu pour qu’elle vire à l’orange, qui annonce presque systématiquement une réelle perte de fraîcheur gustative.
A la suite de cet examen du disque, plusieurs autres éléments feront l’objet de notre attention : la limpidité, la brillance, les fameuses « larmes » ou « jambes » et enfin, la teinte et ses reflets.
Limpide, vous avez dit limpide ? Tentons d’y voir plus clair…
Restons lucides, la limpidité est avant tout une nécessité commerciale. Dans ce domaine, nous ne sommes pas avares en contradictions. Qui pourra effectivement expliquer la raison qui nous pousse à décréter un jus de pomme authentique et naturel à la seule vue de sa robe trouble voire opaque alors même que l’observation d’un vin blanc trouble le rend presque systématiquement suspect aux yeux de la plupart d’entre nous ?
En la matière, la pomme et le raisin n’ont pas droit au même traitement. Nous adorons le jus de pommes « laiteux » et nous méfions de celui qui est parfaitement filtré (entendez « industrialisé ») alors que pour le vin, c’est exactement l’inverse.
Et si nous achetons sans trop de difficultés des vins rouges non filtrés, c’est parce qu’il est bien plus difficile d’imaginer « leur propre trouble » dans le verre et à fortiori à travers la bouteille que pour les vins blancs. Toutes les tentatives de commercialisation de vins blancs non filtrés se sont soldées par des échecs retentissants. Alors même qu’il est établi que la filtration des vins ne modifie pas réellement leur saveur. Goûtez des vins sur cuves, encore opaques, pour vous en convaincre !
Par ailleurs, ne perdons pas de vue que par choix délibéré, visant à intervenir le moins possible dans le processus naturel de vinification, certains vignerons ne filtrent que peu ou pas du tout leur vin rouge. Ces options nuisent à la limpidité mais certainement pas à la nature du vin dont les qualités et les saveurs restent intactes.
Comment procéder? Pour observer la limpidité et la transparence, on incline à nouveau le verre, qui sera de préférence éclairé par une lumière naturelle. Si on fait appel à une lumière artificielle, il est préférable de privilégier les lumières blanches, les moins chaleureuses possibles.
C’est le moment de la chasse aux particules en suspension, aux fines perles de gaz, aux petits nuages laiteux… Les mots utilisés évoqueront une robe transparente, limpide en cas d’absence de trouble ou au contraire laiteuse, voilée, bourbée voire « louche » dans le cas contraire.
Et quand le vin se met à pleurer, bon signe ?
On a tout entendu sur les larmes ou jambes du vin, ce ruissellement incolore plus ou moins prononcé et rapide qui, parfois, tapisse les parois du verre et donne des renseignements sur la viscosité de la cuvée. Aujourd’hui heureusement, le masque est tombé…
De quoi s’agit-il ? Le nombre de larmes est proportionnel à la richesse du vin en alcool. Jadis, on attribuait automatiquement des vertus de qualité à ceux qui montraient de larges larmes, en descente peu rapide vers la surface du vin. C’était oublier un peu vite qu’un vin peut aussi pécher par excès d’alcool… S’il n’a pas suffisamment d’acidité et de structure tannique pour nuancer son « moelleux », l’équilibre ne sera pas au rendez-vous. A contrario, une grande richesse en alcool pourra, s’il elle est accompagnée d’un beau support d’acidité et d’une structure de tanins bien présente, nous offrir des sensations d’équilibre et même de fraîcheur.
Pour mesurer l’aspect des larmes, n’hésitez pas à remuer en même temps un verre d’eau (ou mieux, de sauvignon de Touraine 🙂 ) et un verre de porto. L’observation de ce qui se passe sur les parois du verre vous éclairera davantage que de longs discours.
Que peut-on retenir de cet examen de la fluidité/viscosité ? Peut-être ceci, qui me semble bien résumer le sujet : « Tous les grands vins possèdent des larmes, dans des proportions variables, mais ce n’est pas parce qu’elles sont présentes que le vin est grand ».
Les jambes effilées et/ou peu nombreuses annoncent un vin léger, à l’acidité plutôt marquée (ce qui n’est pas forcément un défaut – pensez à un joli muscadet bien tonique en bouche…). A l’inverse, les jambes « épaisses » sont révélatrices d’un vin plus opulent, plus gras, donc plus riche en sucres et/ou en alcool (pensez à un Vin Doux Naturel du Roussillon ou à un coteaux-du-layon par exemple…).
Enfin, il n’est pas difficile d’imaginer que dans les régions septentrionales, là où le soleil se montre plus avare de ses bienfaits, les vins pleurent moins facilement que dans le sud, où l’exposition des raisins au soleil a favorisé une plus grande richesse en sucre (transformé partiellement ou totalement en alcool). L’observation des larmes peut donc nous permettre de formuler des hypothèses de latitudes.
La prochaine fois que vous dégustez un vin sans en connaître le terroir d’origine, n’hésitez pas à tenter d’approcher la zone géographique d’où il pourrait être issu!
Pour cette fois, nous avons évolué dans le monde des apparences et d’une certaine superficialité. Le vin peut encore y cacher le véritable reflet de ses entrailles. Ceci lui sera beaucoup plus compliqué lorsque nous nous pencherons sur l’examen de la teinte proprement dite et de ses reflets. Il est des signes qui ne trompent pas et nous allons apprendre à les repérer puis à les interpréter, en partant à la découverte des cépages que nous rencontrons le plus couramment.
C’est ce que je vous propose de découvrir dans mon prochain billet.
D’ici là, n’oubliez pas… Ouvrez l’œil!
Q.
Merciii, j’ai trouvé cela très intéressant comme « première » approche …
Si un jour il y a une formation ou une escapade pour débutants …
Fais moi signe…. j’ai envie de découvrir !
Merci Patricia, pour cet intérêt! Je ne manquerai pas de te tenir informée de nos activités. Pour ce faire, avec ton accord, je t’inscris à ma newsletter. A très bientôt autour du vin!
Un rappel des termes précis pour bien qualifier la robe de nos vins est toujours bien utile. Merci !
Merci Geoffroy pour ce retour. A bientôt!