Une contre-étiquette de Savennières qui en dit long. Peut-être trop…
Vous arrive-t-il de tourner et retourner dans tous les sens la bouteille que vous allez ouvrir dans l’espoir d’y trouver quelques renseignements susceptibles de répondre à vos interrogations ?
Soyons réalistes. En la matière, nos illusions sont souvent vaines. La plupart des informations figurant sur l’étiquette et à plus forte raison la contre-étiquette se limitent généralement à des poncifs du genre « Vignerons de Père en Fils », « Elaboré dans le respect des traditions… », « Vinifié avec le plus grand soin », « Issu de nos meilleures parcelles »…
Que nous dit-on du vin dans ces lieux communs ? En fait, rien. Voici un magnifique contre-exemple de la règle générale. Malheureusement…
Au dos du flacon qui s’est présenté à moi cette semaine, il en va tout autrement. Rien que des informations précises, éloquentes, ne laissant planer aucun doute quant aux intentions du vinificateur.
La volonté d’information de l’auteur a dépassé toutes ses espérances. Mais cette fois, je me surprends à penser qu’il aurait été mieux inspiré de s’en tenir aux généralités…..
Que découvrons-nous? « Savennières, bercé par la Loire, le Chenin s’exprime comme un grand vin blanc sec de haute maturité. Les schistes gréseux recouverts de sables éoliens apportent droiture et fougue qu’un long élevage sous bois permet de dompter ».
Tout allait bien, jusqu’à la fougue.
Pour une fois, on nous dit tout : rappel de l’appellation, du cépage, du type de vin (sec), du sol (schiste) et de tout ce qu’il peut exprimer grâce à la plante (droiture et fougue)… Las, la dernière précision a le visage d’un vrai gâchis, que la dégustation confirme dès l’entrée en bouche et sans ambiguïté.
Ainsi, l’objectif avoué était donc de « dompter » (comprenez « maîtriser » ou « dominer ») l’exceptionnelle complicité qui unit le chenin à son terroir schisteux…
Mais n’est-ce pas précisément de la droiture et de la fougue que l’on recherche dans ces grands vins secs de l’appellation Savennières ? N’est-ce pas le talent du vinificateur qui est censé porter au plus haut l’expression de cette typicité ?
Les plus beaux crus de cette petite (150ha) mais fascinante appellation sont des pépites. En règle générale, les vertus qu’on attribue aux vins secs qui y naissent (écrasante majorité) se résument à ces quelques traits : droiture, tension en bouche, élégance, fraîcheur, puissante minéralité, douce lutte entre vivacité et gras…
Dans la cuvée dont il est question, nous en sommes loin. Le bras de fer (voulu par le vinificateur) entre la barrique et l’association cépage/sol n’a pas duré longtemps. En bouche se bousculent les saveurs grillées, toastées, noisettées et caramélisées…
Franchement, ce n’est pas mal fait, assez agréable en somme, pour les amateurs du genre. Mais une question, essentielle à mes yeux, surgit : ce vin représente-t-il réellement une expression du splendide terroir surplombant la Loire sur lequel il est né ? Certainement pas.
Dans la plupart des zones viticoles de la planète, ce style se retrouve dans des cuvées excessivement boisées, dont on ne sait plus très bien ni de quel(s) cépage(s) elles provienne(nt), ni sur quels sols elles sont nées…
Résumons. L’objectif n’est pas ici de cibler dans sa globalité le travail d’une propriété. Le Château du Breuil a largement démontré par d’autres cuvées sa capacité à offrir des vins de haute tenue, dignes représentants de leur appellation. Mais ici, désolé, nous sommes loin de l’Anjou, du chenin et de la savoureuse minéralité du terroir.
On pourra me rétorquer que ce flacon est très jeune, qu’il va se patiner avec le temps… Nous savons pourtant que lorsque cette décoction boisée se sera apaisée, espérer retrouver les flaveurs florales, fruitées et minérales que nous aimons tant dans ces vins est quelque peu illusoire.
Le fabuleux terroir de Savennières et le chenin méritent à mon sens un tout autre traitement, davantage orienté vers le respect de leurs typicités respectives et complémentaires. Certains évoqueront « un élevage ambitieux ». Je pense plutôt à « Un dosage du bois mal maîtrisé ».
Mais cette fois, on ne pourra pas dire qu’on l’ignorait. La contre-étiquette, extrêmement complète, annonçait la couleur. Sur ce plan, de nombreux domaines pourraient s’en inspirer. C’est déjà ça…
Q.
Pour en savoir plus sur l’appellation Savennières, c’est par ici…
Voilà une jolie critique, intelligente et sincère, bravo.
Un blanc issu du fabuleux cépage que sait être le Chenin dans ces territoires de Loire doit, en effet, apporter minéralité et fraîcheur.
Merci pour ce compliment! Venant de vous, j’ai la faiblesse d’en être flatté 🙂 A bientôt pour d’autres partages et échanges d’idées!