Qui suis-je ?

Que m’est-il arrivé au début des années 90, au moment où mon métier d’enseignant occupait l’entièreté de mon temps ? Un détail que j’ai d’abord cru insignifiant, un petit geste anodin qui allait – mais je ne le réaliserais que bien plus tard – bouleverser mes choix de vie : je décidai de décoller l’étiquette d’une bouteille de vin partagée avec un ami. Pas vraiment jolie, elle habillait grossièrement une cuvée qui ne m’a laissé aucun souvenir. Mais du moment partagé, je me souviens de chaque instant. Ma collection d’étiquettes s’enrichissait de son premier exemplaire.

A l’époque déjà, cette collection était uniquement enrichie par les souvenirs de moments et non par une volonté d’archivage organisé du plus grand nombre d’exemplaires qu’il m’était possible de récolter. J’y ajoutais les lieux, les dates et les complices de glouglou… sans réellement m’intéresser au contenu des bouteilles. Consulter les impressionnants classeurs de mes collègues collectionneurs m’ennuyait profondément.

A ce moment, je ne m’intéressais pas réellement au vin mais le choc de la rencontre n’allait pas tarder. Un soir d’hiver, une table épicurienne, quelques amateurs plus qu’éclairés et dans les verres, la cuvée « Silex » 1993 de Didier Dagueneau, en Pouilly-Fumé. La Loire, une région qui avait familialement marqué une grande partie de mon enfance.

Plus rien ne fut comme avant. Ce vin aiguisé comme une lame était venu me chercher comme une aiguille dans une botte de foin. Je voulais en comprendre la raison mais ne possédais aucune clé pour y parvenir.

Alors j’ai lu, dévoré plutôt, des articles, de petits traités, une encyclopédie, de multiples livres, en commençant par un ouvrage qui se consulte plus qu’il ne se lit : le dictionnaire des vins Larousse, en version de poche. Celui-là, je l’ai avalé, en quelques heures et sans lever la tête, depuis « Abondance » jusque « Zwicker ».

Quand j’ai relevé la tête, j’avais voyagé, découvert des lieux, des gens, des manières de faire, des projections dans le passé, des classements, des dates-clés, des outils qui m’étaient inconnus, des variétés de sols, un nombre invraisemblable d’appellations, des notions d’agronomie, des traditions, des confréries… et puis, plus important encore, des mots. Une infinie variété de mots destinés à décrire, exprimer des ressentis, présenter des vins, illustrer des contextes, partager des connaissances. Des mots simples, sophistiqués, techniques ou empreints de poésie. Encore des mots, toujours des mots…

Parallèlement, les connaissances livresques induisaient avant tout chez moi une puissante envie d’en savoir toujours plus, sans volonté de briller mais pour comprendre les frissons et émotions déclenchées par des vins qui commençaient sérieusement à m’intéresser bien davantage que leurs étiquettes. Ma collection était à l’arrêt, il n’y aurait pas de retour possible dans ce monde d’œnographiles  qui avaient introduit le loup dans la bergerie en acceptant le principe de la vente d’étiquettes aux côtés des classiques échanges.

Qu’est-ce qui, en amont, donnait vie à ce que je dégustais? Quels choix humains en viticulture et vinification pouvaient expliquer mes ressentis? En quoi les contraintes du biotope local influençaient-elles les actions des vignerons? Qu’est-ce qui pouvait expliquer mon attirance pour certains types de vins ou au contraire, me déplaisait dans d’autres cuvées? Et cette envie croissante de rencontrer les faiseurs de vins, d’où venait-elle?

Une évidence s’est alors peu à peu imposée : privilégier le concret était devenu incontournable. Ensuite, tout s’orienta naturellement vers une double activité : la dégustation bien sûr, mais aussi et surtout les rencontres qu’elle permet avec les acteurs du terrain. La première put s’exercer sans difficulté en Belgique. Pour la seconde, du moins à l’époque, c’était plus compliqué. Le passage de la frontière s’imposait, je ne m’en suis jamais privé.

Mon approche a toujours privilégié la perception sensorielle à l’accumulation passive de connaissances techniques. J’ai dégusté, seul, entouré, accompagné, guidé, autant qu’il m’était possible. Je répondais à toute invitation et parfois même, apparaissais sans être invité. Cette quête-là prit rapidement le visage d’une passion.

Un soir, autour d’une table bruyante, j’observais silencieusement et d’un œil amusé de jeunes coqs disserter autour d’un Cru Classé du Bordelais « qui ne tenait manifestement pas son rang », chacun y allant de son explication argumentée et d’une conclusion sans appel, en tentant si possible de démontrer aux voisins qu’ils s’égaraient dans leurs interprétations. Pour ceux-là, asséner des vérités (les leurs seulement), pourfendre celles des autres et faire état de leurs infinies connaissances semblait être une priorité majeure.

Et puis, à l’opposé de la table, un dégustateur silencieux, qui ne semblait porter aucun intérêt au combat des chefs, préférant plonger et replonger son nez dans le verre. Goûter et regoûter à petites lampées et en grumant consciencieusement la victime du jour. Cet homme mâchait le vin.

« Je ne comprends pas très bien ce vin mais une chose est sûre, il a tout de même du mérite de ne pas présenter davantage de lacunes, dans ce millésime si compliqué dont je n’entends aucun de vous parler, trop occupés que vous êtes à faire son procès sans vous intéresser au contexte qui lui a permis d’arriver dans votre verre. Son nez m’interpelle, sa bouche me déroute et je suis là, à chercher l’explication, qu’aucune de vos logorrhées ne m’aide à trouver. »

Cet homme ne le savait pas encore mais lorsque j’appris qu’il dispensait des formations, je décidai sur le champ qu’il serait mon premier guide dans l’univers de la dégustation.

Le calme revint à table et une discussion bien plus intéressante se déclencha. Elle approchait la compréhension des perceptions olfactives et tactiles laissées par notre Cru « déclassé », en se penchant sur les spécificités de son année de naissance et les contraintes et limites qui en avaient probablement découlé.

Je décidai de suivre des cycles de cours. J’ai connu successivement plusieurs formateurs et accompagnants, experts, sommeliers, chacun apportant dans diverses proportions sa contribution à ma formation de fond. Je finis par m’inscrire à l’un ou l’autre concours de dégustation, avant tout pour me situer dans le milieu mais aussi par jeu. Car j’aime « jouer » le vin et jouer avec lui. L’une de ces épreuves m’ayant par son résultat permis de mesurer le chemin déjà accompli (et surtout l’étendue de celui qu’il me restait à parcourir), j’eus la chance d’être ensuite engagé pour participer à des dossiers de dégustations pour la presse viticole. Déguster et écrire… Le bonheur absolu.

Progressivement, j’envisageai la réunion de mes deux passions, le vin et la pédagogie. J’ai encore en souvenir la première animation d’une soirée œnologique pour un groupe du Lion’s Club de Bruxelles. Confiant et tremblant à la fois, je me lançais dans l’accompagnement de ceux qui voulaient en savoir plus. Au terme de cette soirée émotionnellement forte, ma décision était prise. J’allais développer cette activité.

Depuis, j’ai associé et multiplié plusieurs types d’activités liées au monde du vin : dégustations professionnelles, animations de cycles de cours, organisation de voyages dans le vignoble et de week-ends œno-gastronomiques, écriture d’articles pour la presse et de billets sur mon blog, tournage de capsules vidéos, reportages dans les vignobles…

Ma passion est intacte, peut-être encore plus intense aujourd’hui qu’hier, nourrie par un quotidien riche en découvertes et rencontres. L’envie de partager tout cela a motivé l’existence de ce site, qui vous présente les différentes facettes de mes activités actuelles.

C’est parce que j’ai été accompagné dans ce parcours que je peux en partager la richesse et les enseignements. Entrer dans le monde du vin peut naturellement se faire seul mais on se prive d’un élément essentiel, qui nourrit tout échange : le plaisir du partage tout en étant accompagné. Ce même partage qui nous permet d’avancer et ouvrir nos horizons.

Vous n’y connaissez pas grand-chose mais ça vous tenterait d’en savoir plus ?

J’espère avoir le plaisir de vous rencontrer pour en parler, autour du vin.

Jean-Christophe Cools

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