3 domaines de Bourgogne à découvrir, en 3 jours d’immersion viticole

Trois domaines de Bourgogne à découvrir, en trois jours d’immersion viticole…

L’occasion était trop belle. Emmener un groupe d’œnophiles passionnés en Côte d’Or pour un long week-end sans passer par l’Yonne et son fabuleux terroir de Chablis aurait été difficile à justifier. C’est que dans cette terre puissamment minérale, le chardonnay se trouve souvent sublimé…

J’ai toujours éprouvé une affection particulière pour les vins blancs secs de cette grande île solitaire chablisienne, détachée du continent bourguignon, dont le nom se voit copié aux quatre coins de la planète viticole, aussi abusivement que celui du Champagne.

Cette usurpation d’identité est un signe qui ne trompe pas, la gloire des vins locaux n’étant en rien usurpée. Leur phénoménal succès a pourtant induit une double difficulté, qui alimente encore de vives discussions au sein même de l’appellation. Ce qui a pris le visage d’un véritable schisme local porte en fait sur deux points fondamentaux : l’extension de l’aire d’appellation (qui a déjà été largement très largement réalisée dans les années 70…), pour répondre à une demande toujours croissante, et le style des cuvées, certains acteurs du terrain ayant opté pour l’usage de la barrique neuve, au risque, en cas d’excès, de placer en retrait la typicité de style de la plus grande appellation communale de Bourgogne (6830 hectares, dont 4300 sont plantés).

Ceci fera l’objet d’un autre billet, le sujet étant vaste…

Loin de ces préoccupations souvent animées par une quête malheureusement bien éloignée de la qualité de la production, de nombreux vignerons ont poursuivi leur travail, dans l’unique objectif de produire des cuvées authentiques, dignes de l’exceptionnel terroir « kimméridgien » qui leur donne naissance.

Kimméridgien… D’où vient ce nom quelque peu insolite? Il fut jadis choisi par des géologues qui avaient retrouvé dans le sol du petit village anglais de Kimmeridge la présence d’huîtres et autres coquillages fossiles identiques à ceux que l’on retrouve sur les collines chablisiennes.

Parmi eux, le domaine Christophe Camu, dont la superficie de 11 hectares garantit un travail d’artisan, depuis 6 générations.

Tant par leur équilibre que par leur pureté de fruit et de minéralité, les vins de la propriété conjuguent deux qualités essentielles : élégance et potentiel de garde. Les élevages y sont dosés, dans le respect du raisin. La gamme couvre tous les niveaux de l’appellation, du petit-chablis au chablis grand cru (Les Clos), en passant par le chablis générique et les chablis premiers crus (Côte de Léchet et Beauroy). Le plus difficile sera de faire un choix… La dégustation nous y aidera!

Plus au sud, notre périple nous emmène à Beaune, symbole de toute la Bourgogne, qui est aussi l’écrin d’un joyau architectural d’exception : l’Hôtel-Dieu. C’est dans ce lieu magique que se déroule chaque année l’une des « Trois Glorieuses », ces trois journées uniquement consacrées aux vins. Acheteurs et visiteurs venus des quatre coins de la planète se pressent pour assister à cette vente unique au monde.

Petite précision : si la vinification des vins des Hospices de Beaune est la plupart du temps irréprochable, leur élevage est plus aléatoire car il est assuré par ceux qui ont remporté les enchères. Le produit final peut donc parfois présenter un tout autre visage que la cuvée initiale. Visiter l’Hôtel-Dieu, c’est s’imprégner de l’histoire bourguignonne, si riche et intimement liée à l’évolution du vignoble. Nous y avons rendez-vous.

Dans cette prestigieuse zone viticole, aux ondulations plus larges et aux pentes moins abruptes qu’en Côte de Nuits, il fallait aussi choisir un domaine. Rude défi, je vous l’assure, l’extrême parcellisation du vignoble de la Côte mettant en présence plusieurs centaines de propriétés, disséminées au sein d’appellations plus attirantes les unes que les autres.

D’abord, choisir un village. Au nord de la ville de Beaune, Aloxe-Corton, Chorey-lès-Beaune, Savigny-lès-Beaune, … Et au sud, Pommard, Volnay, Monthélie, Auxey-Duresses, …

Rien que du beau monde, vous en conviendrez!

Voici donc mon périmètre de recherche, le fabuleux terroir des crus blancs légendaires de Meursault, Puligny-Montrachet et Chassagne-Montrachet étant volontairement écarté, non sans mal, dans l’unique objectif d’y consacrer un autre séjour. Car il ne fait aucun doute qu’il y en aura d’autres ! Il me revient qu’avant même d’en connaître la destination, certaines places seraient déjà réservées…

Finalement, ce sera Meloisey, petite commune d’un peu plus de 300 habitants, située en retrait de la Côte, à une dizaine de kilomètre de la ville, entre Pommard et Savigny. Nous sommes aux portes des Hautes Côtes de Beaune.

Mon choix s’est porté sur un domaine auquel j’accorde ma confiance depuis de longues années, tant pour la régularité de sa production que pour la franchise de ses vins, le domaine Parigot Père & Fils. La gamme est large, surtout en rouges et le choix de manque pas. Mes préférences vont vers l’élégante fermeté des cuvées de pommard, mais aussi la finesse et la suavité des volnays. Densité, franchise, allonge en bouche, fruité intense et beau rapport plaisir-prix caractérisent l’ensemble de la production.

Marie et Régis Parigot, secondés par leur fils Alexandre, exploitent leur 18 ha (15 hectares plantés en pinot noir) répartis sur les communes de Meloisey, Savigny-les-Beaune, Beaune, Pommard, Volnay, Meursault et Chassagne-Montrachet. La viticulture est menée selon le principe de la lutte raisonnée. Nous aurons tout le loisir d’en parler sur place puisque le domaine nous fait le plaisir de nous accueillir à son buffet vigneron…

Au lendemain d’un dîner gastronomique à la meilleure table de Santenay, nous irons visiter l’exceptionnel château du Clos de Vougeot, chef d’œuvre de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, situé au cœur de la route des Grands Crus.

C’est au 12^ème siècle que la puissante abbaye de Cîteaux (fondée en 1098) entreprend de construire des bâtiments d’exploitation viticole, au milieu des vignes. Les moines cisterciens gèreront ce domaine pendant près de 680 ans. Une visite passionnante, dans un haut-lieu de l’histoire du vignoble bourguignon.

Sur le chemin du retour, il aurait été inconvenant de ne pas honorer la Côte de Nuits d’une halte à thème. Puisque nous avons le choix, restons dans les cuves. Je peux confesser avoir hésité, l’espace d’un instant, avec la découverte de la fromagerie Gaugry, digne représentante des spécialités laitières locales. Leurs époisses sont fabuleux ; subtilement associés à un filet de sirop de Liège, ils deviennent irrésistibles. Décidément, il faudra revenir…

Revenons au raisin. Les récents dossiers de dégustations auxquels j’ai pu participer, consacrés à plusieurs appellations phares du secteur, ont révélé une certaine hétérogénéité dans la qualité de production. Il faut le reconnaître, si la région peut produire l’exceptionnel les déceptions ne sont pas rares. De trop nombreux vins maigres et sans relief, pâles et trop incisifs se rencontrent ça et là, au grand dam de ceux qui oeuvrent pour justifier la réputation de leur merveilleux terroir.

C’est dans ce contexte délicat, qui n’empêche heureusement pas l’excellence de nombreux domaines, que le travail extrêmement intéressant et authentique du domaine Gérard Quivy s’est révélé, dans une zone prestigieuse qui a pourtant trop souvent déçu ces dernières années : Gevrey-Chambertin.

Dans ce joyau viticole, le plus vaste de la Côte de Nuits avec ses plus de 400 hectares en production, pas moins de 26 climats sont classés en premiers crus. Et comme si cela ne suffisait pas, l’appellation la plus couronnée de Bourgogne arbore fièrement l’emblème de ses 9 grands crus. Il est des terroirs mieux nés que d’autres.

Au domaine Quivy, nous trouvons du Côtes de Nuits Villages, du Gevrey-Chambertin générique, des premiers crus et deux grands crus prestigieux, le chapelle-chambertin et le charmes-chambertin. Solidement construits, mais dans le respect du fruit, massifs mais veloutés, les crus de la maison présentent en 2009 une étoffe irréprochable. Dignes représentants de l’appellation, ils combattent de la plus belle manière l’image quelque peu ternie d’un secteur qui appelle notre vigilance. Espérons qu’il en reste quelques flacons lors de notre passage…

 

Les domaines Christophe Camu à Chablis, Parigot Père & Fils à Meloisey et Gérard Quivy à Gevrey-Chambertin sont les propriétés que je vous propose de découvrir au cours de notre voyage en terre bourguignonne. Gageons qu’au-delà du plaisir de déguster ensemble, sur les lieux-mêmes de production et au contact des acteurs du terrain, vous serez sensibles aux multiples charmes de ces magnifiques vignobles.

A très vite pour le grand départ !

Q.